Emballage Cosmétique & Biomimétisme
Le biomimétisme est une méthodologie d’innovation qui consiste à s’inspirer de la nature pour développer de nouveaux concepts. En prenant exemple sur les structures du vivant, les différents processus présents dans la nature, les systèmes biologiques et chimiques, comme source d’inspiration pour la création de produits ou de structures matérielles ou organisations immatérielles.
Dans le rapport suivant, nous allons présenter les différentes actions mises en place dans le secteur beauté-cosmétique en lien avec le biomimétisme.
Il s'agit du chapître du prochain livre, Biomimétisme et Cosmétique, qui sera publié dans le 4e semestre de l'année 2025.
1 - Le biomimétisme et la durabilité des emballages
- Le biomimétisme s’inspirant de la nature est-il par définition “durable”?
- Les fonctions de l’emballage cosmétique
- Les matériaux de l’emballage cosmétique
- Le biomimétisme au service de l’emballage cosmétique
2 - Concevoir des emballages sur les principes du biomimétisme
- Les différentes méthodes de conception des emballages
- Les différents exemples d’emballages conçus avec le biomimétisme
- Les innovations matériaux et biomimétisme
- Les enjeux industriels de l’emballage et du biomimétisme
- L’avenir des emballages avec le biomimétisme
3 - L’avenir des emballages avec le biomimétisme
1 - Le biomimétisme et la durabilité des emballages
Le biomimétisme est une méthodologie d’innovation qui consiste à s’inspirer de la nature pour développer de nouveaux concepts. En prenant exemple sur les structures du vivant, les différents processus présents dans la nature, les systèmes biologiques et chimiques, comme source d’inspiration pour la création de produits ou de structures matérielles ou organisations immatérielles.
En d’autres termes, il s’agit d’observer la réponse de la nature pour supporter la conception, la création et la mise en œuvre d'idées qui ont une incidence sur la vie humaine, la culture, la technologie, la société, la science, la technologie ou les systèmes financiers à toute échelle.
En ce qui nous concerne, le biomimétisme consiste à s’inspirer du vivant pour concevoir des emballages cosmétiques et des matériaux vertueux pour l’environnement. En effet la nature se réorganise, s’adapte et se rééquilibre naturellement dans l’environnement dans lequel elle se trouve car la circularité à la genèse du vivant. Le principe du biomimétisme consiste à développer des modèles vertueux dans tous les domaines.
a) Le biomimétisme s’inspirant de la nature est-il par définition durable?
Le biomimétisme par définition s’inspire de la nature, et permet la création de concepts dont toutes les étapes d’existence sont ancrés dans les principes du cycle de vie du vivant, qui, par exemple, naîtra, vivra et se dégradera naturellement pour devenir un nutriment pour un autre organisme.
La biomimétique est différente du biomimétisme, qui s’inspire du vivant sans nécessairement se préoccuper de l’impact environnemental dans son intégralité, soit sur la création, l’utilisation ou la fin de vie des concepts. Il s’agit de créer des concepts qui reproduisent la nature sur une partie de l’innovation et non sur tout son cycle de vie, afin de faciliter l’intégration de nouvelle innovation et de limiter les restrictions d'industrialisation ou de fin de vie par exemple.
Le biomimétisme est forcément durable lorsque la biomimétique ne l’est pas nécessairement.
b) Les fonctions de l’emballage cosmétique
L’emballage par sa nature est complexe. Il nécessite un moyen de protection efficace du contenu; la formule solide, crémeuse ou liquide, et aussi de délivrance de cette même formule tout en offrant un support de communication pour l'étiquetage et les informations produits et consommateurs (marketing et réglementaire), et enfin il doit servir de moyen de transport.
Un emballage doit donc répondre à trois principales fonctionnalités: Protection, Délivrance du contenu et Communication.1
Protection
L’emballage doit tout d’abord transporter le contenu, et le protéger du stress mécanique, physique, chimique ou biologique. Il doit offrir protection contre la lumière, offrir étanchéité, et parfois élasticité. Il doit aussi faciliter son utilisation et se transformer facilement en fin de vie soit en recyclage, soit en biodégradation, ou en réutilisation. Un flacon de parfum sera souvent entouré d’un emballage secondaire en carton fin ondulé pour protéger le verre de se casser. Le verre du falcon pourra être coloré ou intégrer un protection ultra-violet pour protéger le jus d’une oxidation.
Délivrance du contenu
Selon la forme du contenu cosmétique plus ou moins visqueux, qu’il soit liquide, crémeux, solide, poudreux, huileux ou autre l’emballage doit offrir un délivrance facilité et efficace de la formule tout en la protégeant de toute attaques extérieures (bactéries dans l’air, l’eau, sur l’utilisateur, etc,). Une pompe à crème pour le corps pourra par exemple délivrer la crème sans réintégration de l’air extérieur pour éviter les contaminations bactériennes. Ce type de pompe est communément appelé “airless” dans le jargon de l’industrie. Le système de délivrance permet la circulation et la dispersion de la formule tout en la protégeant de l’extérieur.
Communication
L’emballage doit être le vecteur d’un maximum d'informations qui sont de l’ordre du réglementaire, de l'utilisation ou du marketing. Un emballage doit divulguer l' information détaillée du produit: son nom, sa composition, son numéro de lot, sa date limite de conservation ou d'utilisation, sa recommandation d’utilisation. L’emballage devra aussi comporter les éléments de la fonction du produit, de l’image de marque et autres allégations marketing. Tout cela devra être réalisé en utilisant le moins de matière possible et en respectant les règles d’usage du secteur. L’emballage pourra aussi protéger de contrefaçon. (1)
L’enjeu du Biomimétisme est de “ s'inspirer des propriétés essentielles (par exemple des formes, compositions, processus, interactions) d'un ou plusieurs systèmes biologiques, pour mettre au point des procédés et des organisations permettant un développement durable des sociétés 2 et de ses composantes.
c) Les matériaux de l’emballage
Au-delà de l’emballage, les matériaux avec lesquels il est fabriqué doivent être étudiés et développés avec les principes du biomimétisme pour offrir une application en approche circulaire.
Les matériaux sont complexes car ils doivent être résistants à l’eau, à l’huile et à tout autre ingrédients présents dans les formules cosmétiques sans pour autant interagir avec eux. Ils doivent également être recyclables ou biodégradables dans l’environnement naturel sans apporter de toxines à cet environnement mais plutôt des nutriments par exemple. La question des plastiques issus de la pétrochimie est le manque de microorganismes présents dans la nature pour les ingérer et les digérer.
Les principes du biomimétisme nous incitent à développer des matériaux régénérants qui deviennent nourriture d’un écosystème et partie intégrante d’un circuit fonctionnel. (2)
d) Le biomimétisme au service de l’emballage cosmétique
La nature par sa même complexité et ses différentes formes offre une étendue infinie de possibilités pour répondre aux enjeux de l’emballage cosmétique. Avec des conduits naturels de liquides, ou bien de formes visqueuses qui s’accrochent naturellement aux éléments ou des peaux ou coques qui offrent une protection naturelle, efficace et polyvalente.
Imaginons par exemple la peau d’une orange qui protège les éléments naturels, mais aussi des chocs, tout en contenant des ingrédients actifs et nutritifs. Ces peaux de fruits se composent d’une mousse alvéolaire et offrent un gradient de propriétés souples à l’intérieur et rigide à l’extérieur.
Imaginons par exemple les valves cardiaques pour la gestion des fluides et comment un système de vannes identiques pourrait délivrer une formule complexe à multi-entrées. ou encore comment les projections de venin peuvent inspirer les pompes de produits cosmétiques.
Le biomimétisme peut inspirer la création d’emballage à la fois sur sa forme et sa fonction. Par exemple, imaginer un emballage donc la coque extérieure offrira protection tout en ayant un design attractif et aux formes et contours naturels.
L’idée du biomimétisme est de définir les attributs du produit et d’observer les réponses de la nature sur ces mêmes attributs. Il s’agit donc de déterminer les fonctions et les objectifs pour trouver le modèle ou les modèles du vivant les plus adaptés. (1)
2 - Concevoir des emballages sur les principes du biomimétisme
Une nouvelle méthode de conception des emballages
Le principe du biomimétisme permet d’identifier dans la nature des idées de design étant par définition circulaires et durables, afin d’inspirer l’innovation dans l’emballage cosmétique.
Pour ce faire, il convient de définir les contraintes techniques et les objectifs de design, afin de pouvoir y comparer les modèles vivants existants.
Par exemple, la marque de beauté brésilienne Natura a réalisé une étude de design en lien avec le biomimétisme. La marque s’est basé sur 12 critères d’évaluation pour avoir “ une compréhension complète des contraintes naturelles, des défis et des solutions correspondantes au développement de nouveaux produits avec une utilisation minimale d'énergie et de matériaux.” 3
- “ Utilisation totale du produit jusqu'à la dernière goutte,
- Emballage, logistique, et stockage,
- Optimisation des ressources pour une utilisation minimale de matériaux,
- Production, utilisation et élimination en circularité complète,
- Produits basés sur la recharge,
- Optimisation de la taille,
- Solutions pour délivrance avec pompes et capots optimisés,
- Gestion des commandes produits et communication produit,
- Fonctionnalité et ergonomie de l'emballage,
- Utilisation du produit et expérience utilisateur,
- Multiples et dosages,
- Performance globale du produit.” (3)
La définition claire de critères de l’étude de Design avec le Biomimétisme est importante pour comprendre les défis nécessaires à relever en s’inspirant de la nature.
Les emballages cosmétiques sont multicritères, et la réponse à leur complexité se trouve dans des modèles offerts par la nature et le vivant. Comprendre les enjeux de l'emballage est primordial pour optimiser la réponse d’innovation et biomimétisme.
Dans son étude, Natura, en suivant la méthodologie “Biomimetic Guild”(4) ils ont identifié trente organismes naturels (ou stratégies biologiques) capables de répondre à tous les besoins cités. Ils ont en effet identifié trente façons différentes dont les liquides et les solides sont contenus dans la nature. Ils en ont extrait onze “ organismes porteurs de stratégies basées sur la nature qui pourraient potentiellement relever le défi initial.” (3)
“ L'équipe a décrit chaque stratégie mécanique ou chimique dans le contexte d'un organisme représentatif, tel qu'un bouton de fleur de pavot, des carapaces de tortue ou des ailes de coléoptère. Ils ont ensuite animé une charrette de conception interdisciplinaire afin d'appliquer les résultats de la recherche à la conception d'emballages de produits.”
Biomimicry 3.8 explique que la charte de conception déterminée au cours de ce projet “a donné lieu à cinq prototypes préliminaires de concepts d'emballage, dont deux étaient axés sur l'emballage d'une dose unique, et ont été développés pour la fabrication à grande échelle.“
Plus largement en partenariat avec l’agence de design Tátil Design de Ideias, mêlant des intéractions de designers et biologistes pour mieux comprendre l'application potentielle des solutions basées sur la nature, le projet a donné lieu à 17 propositions d'emballages et 8 propositions de nouveaux produits (non public à ce jour).
Ce projet a surtout donné lieu à la création d'un programme de recherche en biomimétique dans l’entreprise mêlant les métiers de designers, biologistes, biomédicaux, pharmaceutiques, chimistes, physiciens et ingénieurs sur la sensibilisation au biomimétisme. (4)
Le biomimétisme appliqué à l’emballage cosmétique
En France, dans l’industrie cosmétique certaines entreprises ont déjà pris le pas du biomimétisme avec des services ou des commissions dédiées au sein d’entreprises telles que L’Oréal, NAOS (Bioderma, Institut Esthederm), Pierre Fabre ou encore Yves Rocher.
Pierre Fabre et le biomimétisme
Depuis 2020, l’entreprise Pierre Fabre effectue de la recherche et développement avec pour objectif de trouver des alternatives aux emballages pétro-sourcés. En utilisant les données connues du vivant et en définissant les besoins fonctionnels des emballages il s’agit de travailler en rétro-ingénierie pour trouver dans les technologies actuelles et dans les mêmes niveaux d’efficacité des inspirations du vivant.
Le biomimétisme est un outil de conception qui nécessite une sensibilisation et une éducation des équipes à tous les niveaux de l’entreprise, et cela peut prendre plus ou moins de temps. Il s’agit pour l’instant de phases de recherche pure pendant cinq à dix années, selon les concepts, afin de pouvoir sortir sur le marché des preuves de concepts à travers des tests d’efficacité et de faisabilité.
L’entreprise cosmétique travaille notamment sur des corps creux commes les pots ou flacons, sans s’attacher à la fermeture (capot) ou la délivrance (pompe) pour l’instant, avec une recherche de matériaux biodégradable et compostables. Le premier projet devrait voir le jour en 2027 ou 2028. (5)
Logoplaste et Ecover
L’entreprise Logoplaste spécialisée en emballage développé à l’aide du biomimétisme a sorti, il y a quelques années, une bouteille pour la marque Ecover, appelée la Bouteille Océan. Elle a été conçue pour sensibiliser à la pollution plastique dans les océans, en concevant en 2014 la première bouteille fabriquée à partir de déchets plastiques collectés dans l’océan (Mer du Nord) et recyclés.
La conception structurelle de la bouteille, soutenue par la pensée biomimétique, s'inspire des principes de conception des squelettes des diatomées et des radiolaires, deux organismes qui souffrent particulièrement de la pollution. Ces organismes constituent une grande partie du plancton et du zooplancton à la base des chaînes alimentaires marines et d'eau douce, et la pollution a un impact majeur sur leurs populations. Le motif organique attrayant permet également d'optimiser la stabilité de la bouteille et de réduire son poids de 20 %, explique Logoplaste dans son étude de cas. (6)
Sharklet pour un emballage anti-bactérien
Sharklet a développé une technologie répliquant la peau des requins pour offrir des propriétés antibactériennes aux surfaces de l’emballage. Il s’agit d’un motif très petit - environ 3 microns de haut et 2 microns de large. Il n'est pas visible à l'œil nu et ne se sent pas au doigt, mais il est là, protégeant la surface contre les bactéries et autres micro-organismes.
“ Il existe de nombreuses variantes du motif Sharklet. Les motifs positifs dépassent de la surface et les motifs inverses sont encastrés dans la surface du matériau. Sharklet peut également modifier les dimensions du motif en fonction de l'application” et peuvent s’appliquer à des emballages, des objets, des surfaces et même des écrans.” explique l’entreprise. “ Les propriétés antibactériennes de Sharklet sont purement structurelles et dues à la forme et à la configuration uniques du micro-modèle Sharklet.” (7)
Ce type d’innovation est intéressant en cosmétique ou la potentielle contamination bactérienne peut être élevée comme dans les pots de crèmes par exemple. Cela pourrait permettre de réduire l’usage de conservateurs dans les formules ou de les protéger de manière inventive.
Géométrie, flexibilité et robustesse de l’emballage
PliFalTec, l’origami de papier froissé
Prenons l’exemple de l’origami qui s’inspire ou qui reproduit la nature comme les formes des plantes, les feuilles, des champignons, des coraux, avec le spécialiste PliFalTec (8) qui pli et froisse le papier pour lui conférer des formes plus ou moins flexibles, élastiques ou rigides afin d’inspirer l’ingénierie.
Un exemple de cône de pomme de pin créé à partir de rectangles formant une construction géométrique va s’auto-organiser en se rétractant naturelle après y avoir imposé une force d’étirement. Une autre forme, en éponge de mer, faite d’un pavage d’hexagones qui s’étend sous la force et se rétracte naturellement pour une forme élastique.
On peut voir dans la nature une sorte de convergence ou certains coraux ressemblent beaucoup à des champignons par exemple. L’idée des principes du biomimétisme est de s’inspirer de formes complexes pour la création d’objets. (8)
Si l’on s’inspire des plis, on pourrait imaginer de nouvelles formes d’emballage qui serait incassable voire flexible selon l’usage. Un exemple dans l’industrie cosmétique basée sur le pli ou le découpage a permis d’éliminer les bulles plastiques et les filaments de papier dans les boîtes e-commerce.
Lors d’un concours de design lancé par Mëtsa Board, un fournisseur finlandais de carton fin blanc pour l’emballage, un designer su nom de Iiro Numminen a developpé une forme géométrique spécifique permettant d’éliminer les élémens de calage de bôite de transport.
La partie intérieur s’étire de manière concave ou convex, et s'adapte à la forme de l’emballage pour une protection complète sans ajout d’élément extérieur. La partie intérieure est formée et fabriquée en même temps que la boîte de transport et fait partie de sa structure. Il n’est pas clairement expliqué par le designer que l’inspiration vient du biomimétisme, mais il est fort à parier que cette structure s’inspire du vivant. (9)
Une autre entreprise Modulatio’ travaille sur le moulage de structure complexe pour conférer une résistance naturelle à de structure industriel ou d’emballage. Modulatio’ développe des “ structures alvéolaires et trabéculaire - obtenues par moulage industriel - à variation de densité pour faire varier la densité relative de la matière en fonction des besoins. Il en résulte des performances mécaniques équivalentes pour 2 à 3 fois moins de matière, de poids, CO2.”(10)
Ces structures sont plus adaptées aux bâtiments ou structures, mais on pourrait imaginer des structures alvéolaires pour l’emballage cosmétique de produits fragiles, comme le verre, ce qui est déjà le cas avec les cartons plats ondulés pour les flacons de parfums ou les pots de crème de luxe.
L’emballage qui se cultive au lieu d’être usiné
Les emballages à base de champignons se sont multipliés récemment. Il s’agit de faire pousser une variété de champignons dans une contrainte d’espace pour obtenir des formes spécifiques.
Appelé les “ myco matériaux", ils sont composés de matières premières transformées et fusionnées avec du mycélium de champignon, pour des applications variées tels que l’emballage secondaire ou de transport. Grâce à la flexibilité des formes, elles peuvent remplacer le polystyrène dans les emballages pour offrir une alternative biodégradable et écologique.“ (11)
“Ces mycomaétriaux sont généralement de couleur blanche, avec une surface lisse au toucher doux et duveteux, rappelant la douceur de certains tissus.” Ce qui leur confère un aspect de naturalité et de durabilité immédiat sans avoir besoin de l’expliquer. L’inconvénient est sur la fragilité de ces matériaux qui peuvent se déliter assez rapidement et ne permettent pas un usage multiple ou une conservation longue durée. Ils sont cependant entièrement biodégradables, et confèrent des propriétés nutritives au compost naturel.
- Les innovations matériaux et biomimétisme
Ver, Bactérie, Champignon ou Enzyme pour dégrader le plastique
Avant la fabrication d’emballage l’amélioration de l’approvisionnement de matières premières est indispensable à la diminution de l’impact environnemental. “ Le vivant utilise les ressources de son environnement naturel et s’inscrit dans les grands cycles de matières (carbone, azote...). Il peut fonctionner en symbiose ou utiliser les déchets d’autres organismes pour collecter des ressources.” 1
Les nouvelles biotechnologies permettent de répliquer les enzymes du vivant produites par les vers ou les champignons par exemple pour dégrader des matières récalcitrantes telles que le plastique issu de la pétrochimie.
Une biologiste espagnole, Dr Federica Bertocchini, a notamment découvert par hasard qu'un ver pouvait manger des matières plastiques. Il s'avère que la cire d'abeille - dans lequel a été découvert le ver et dont il se régale - et le plastique sont tous deux composés de longues chaînes de carbone, ce qui permet aux enzymes phénol-oxydase présentes dans la salive du ver d'oxyder et de détruire ces polymères. Une mise en pratique consisterait à récolter et à reproduire ces enzymes pour la dégradation du plastique. (12)
L’entreprise Novabiom utilise la bioremédiation, c’est-à-dire la décontamination de milieux pollués au moyen de techniques issues de la dégradation chimique ou de l'activité d'organismes vivants. En particulier, ils ont étudié les champignons de décomposition du bois qui ont la capacité de dégrader les molécules les plus récalcitrantes produites dans la nature, telles que la lignine du bois. Novabiom a découvert que ces champignons produisent des enzymes qui sont également capables de dégrader des substances chimiques récalcitrantes, telles que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (PHA), les hydrocarbures d'huiles minérales lourdes. Ce processus de bioremédiation constitue une solution intéressante pour restaurer les sites industriels et historiquement pollués. (13)
C’est ce genre de technologie que Carbios a mis en place pour les déchets plastiques et textiles. L’entreprise Auvergnate, a développé une technologie enzymatique capable de biodégrader et de dépolymériser le plastique PET (PolyÉthylène) et de de dégrader les PLA (acide polylactique). Le PLA est un polyester thermoplastique semi-cristallin, et le PET est un polymère principalement utilisé dans les boissons comme les bouteilles d’eau ou de boissons gazeuses. Il est également couramment employé dans les emballages cosmétiques légers et transparents.
Carbios est une startup dans la biotech française pionnière dans le développement et l'industrialisation de technologies biologiques pour réinventer le cycle de vie des plastiques et des textiles. L’entreprise développe des procédés biologiques à base d’enzymes pour déconstruire les plastiques. La solution de dépolymérisation enzymatique de Carbios décompose notamment tous les types de déchets PET en monomères pour les réintégrer dans le processus de fabrication de nouveaux emballages. Il s’agit notamment de bio recyclage du PET et à la biodégradation du PLA. (14)
La première usine mondiale de bio recyclage devrait voir le jour entre juin et septembre 2025. Depuis 2021 l’entreprise développe des concepts à travers son usine de démonstration industrielle de bio recyclage. En mai 2024, L’Occitane a sorti sur le marché sa première bouteille d’Huile de Douche Amande fabriquée à partir de plastique bio recyclé à l’aide de la technologie Carbios. Les déchets utilisés provenaient de bouteilles de PET colorées, de plateaux multicouches et de résidus de recyclage mécanique, dont aucun n'est actuellement recyclé à l'aide des technologies conventionnelles. Les monomères obtenus en bio recyclage ont été re-polymérisés en de nouvelles résines PET entièrement recyclées en Europe. (15)
Il faut savoir que le recyclage mécanique, à travers la collecte et le tri des déchets ménagers ou industriels, est limité par matériaux, couleurs ou tailles. Aujourd’hui les bouteilles de plastiques (bouteilles d’eau ou de boissons diverses sont en PET transparent) sont limitées en couleurs et décorations pour faciliter le recyclage. Et l’on peut remarquer que les bouteilles fabriquées avec du PET recyclé mécaniquement ont une couleur grisâtre. En effet, malgré le tri sélectif, il est quasiment impossible de recycler du transparent avec du 100% transparent. Il y a donc des contaminations inévitables dans le système. Le plastique recyclé mécaniquement sera aussi naturellement moins performant et moins transparent ou brillant que le plastique vierge. Car il est dégradé.
L’avantage de la technologie Carbios est qu’elle offre une dépolymérisation et re-polymérisation vierge ou identique au polymer vierge. Ce qui rend le rendu optimum pour l’industrialisation de l’emballage.
Une autre start-up, Shellworks, basée à Londres, utilise des bactéries pour créer des emballages thermodures qui se biodégrader naturellement au bout de quelques mois. Ils développent un monomère à base de microbes naturels qui stockent l'énergie dans leurs cellules sous forme de granules. L’entreprise cultive ces microbes dans des cuves de fermentation, et en extrait les granules des cellules et les formule en polymère afin de permettre la fabrication industrielle de emballage. Le résultat est un emballage totalement stable à l'usage, tout comme le plastique. Il s’agit pour l’instant d’une technologie d’injection classique, similaire à celle des emballages HDPE par exemple qui servent aux pots de crèmes ou autres emballages rigides. (16)
- Les enjeux industriels de l’emballage et du biomimétisme
Une fois les stratégies biologiques déterminées pour des applications dans le monde matériel, il s’agit de convertir les idées et les modèles pour l’industrialisation. En effet, les produits présents sur le marché sont fabriqués par milliers d’exemplaires pour une diffusion auprès des consommateurs.
Définir des solutions en laboratoire est complexe mais pas impossible, hors la phase d’industrialisation s’avère d’autant plus complexe, car il faut stabiliser les solutions “vivantes” pour des réplications à l’identique,,mesurées et extrapôlées.
Par ailleurs, outre la limitation liée à la connaissance, notre monde industriel aujourd’hui fonctionne en silo. Chaque industriel réalise sa partie du morceau. Un fournisseur sera par exemple spécialisé en fabrication de pompes (Aptar par exemple), un autre en capots (Pujolasos par exemple) et un autre en emballage moulés (Pinard Beauty Pack par exemple).
Dans le système actuel, l’industrie et la biologie ne se parlent pas. Les chercheurs en biologie ne sont pas dans les usines d’emballage et vice-versa. Pour que la démarche fonctionne complètement, il faudrait un système intégré et fonctionnel sur le modèle du vivant.
L’Entreprise Pierre-Fabre travaille notamment en collaboration avec l’université de la Sorbonne, et notamment le professeur Stéphane Lemaire en microbiologie, pour la réalisation de polymères à base de micro-algues. L’objectif à travers la photosynthèse est de développer le génie métabolique pour la fabrication des polymères. On parle de microbiologie au service de l’emballage cosmétique. Le principe fonctionne en laboratoire, et pour multiplier le principe à échelle industrielle il serait possible de booster les rendements, à l’aide de bioréacteur via la photosynthèse (lumière naturelle + gaz carbonique (CO2)). Il s’agit ici de créer une bio-fonderie qui serait la première d’Europe. L’atout principal de ce projet est d’accentuer la décarbonation. L’objectif de production industrielle serait atteint en 2030. (5)
Les entreprises qui fabriquent des ingrédients pour la cosmétique tels que Codif ou encore GreenTech ont développé des technologies innovantes de fabrication industrielle avec des bio-réacteurs pour des algues, bactéries ou autre organismes ou microorganismes. à l’échelle de l’ingrédients, il est possible de le réalisation, car les ingrédients cosmétiques restent de petite tailles. L’enjeu est plus difficile à relever sur les matériaux et la fabrication d’emabllage compte-tenu des contraintes techniques, mais pas impossible.
Les sociétés comme Pierre Fabre avec la Sorbonne, Carbios ou Shellworks s’attachent à stabiliser, maîtriser et industrialiser des méthodes de fabrication biologiques et ouvrent la voix vers une industrie plus vertueuses. Cela prendra encore quelques années, mais il est fort à penser que les apprentissages seront réplicables à l’avenir pour d’autres solutions.
3 - L’avenir des emballages avec le biomimétisme
Le biomimétisme apporte une vision systèmique et circulaire, intégrant la vie, la fin de vie et la régénération. Notre modèle actuel de société est largement basé sur une économie linéaire de consommation sans prise en compte de son impact de création et de destruction ou de régénération.
La crise climatique nous oblige à accélérer le développement de nouveaux modèles. Le biomimétisme est une des solutions de vision circulaire et intégrée. Combiné avec d’autres solutions déjà existantes, il peut s’avérer puissant pour générer des innovations offrant un avenir plus sain aux prochaines générations.
“ Le biomimétisme n’est pas forcément d’aller vers la naturalité, mais de copier les mécanismes du vivant pour trouver des solutions innovantes et créatives. Il s’agit de reproduire le naturel de façon synthétique, afin de limiter le bio-sourcing.” explique Katia Ravard, Responsable Biomimétisme chez Pierre Fabre.
Le biomimétisme est une nouvelle méthode d’innovation qui mise sur l’efficacité, sur l’optimisation maximale de tout procédé ou objet et quelque part tend à la sobriété énergétique. Avec une vision intégrée à 360 dégrés, qui comprend l’impact de chaque élément d’un projet, d’une organisation ou d’un produit, il est possible de limiter son impact négatif, voire de générer un impact positif (régénération).18
18 - Interview avec Thomas Busuttil - Expert innovation durable et business models régénératifs
Le biomimétisme prend la nature comme modèle. En observant et en apprenant des organismes, des écosystèmes et des phénomènes naturels pour concevoir des solutions plus efficaces. Par exemple, des méthodes d’étanchéité des emballages ou encore des solutions anti-chocs à travers des matrices multi-couches alvéolaires.
Le biomimétisme prend la nature comme mesure. En utilisant l’efficacité, la résilience et la durabilité de la nature comme références pour l’innovation. En concevant des emballages réutilisables avec des coques extérieures performantes et esthétiques tout en offrant une versatilité de l’usage.
Le biomimétisme utilise la nature comme mentor. Passer d’une approche où l’on cherche à dominer la nature à une approche où l’on apprend à coexister avec elle, avec des modèles d’emballages et de solutions régénératives, comme les emballages biodégradables.
Le biomimétisme peut être basé sur la forme, les processus ou bien les éco-systèmes. En intégrant une vision globale et intégrée on peut reproduire des formes ou structure observés dans la nature, ou bien des processus mécaniques ou biochimiques, ou encore s’inspirer de stratégies des écosystèmes pour créer des solutions durables et circulaires.
L’emballage est la partie émergée de l’iceberg, et souvent le sujet le plus important dans l’esprit du consommateur. Utiliser le biomimétisme pour rendre l’emballage plus vertueux est un atout incontournable de l’innovation.
Le biomimétisme est un outil puissant pour l’innovation durable de l’emballage, permettant aux industries de concevoir des solutions efficaces, limitant le gaspillage et respectueuses de l’environnement.
Sources:
1 - Ceebios - Synthèse des emballages bio-inspirés. https://ceebios.com/2022/11/03/cosmimetic-group/
2 - Définition du biomimétisme. https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/biomimetisme
3 - Biomimicry 3.8. Packaging Inspired by Nature. Etude de Cas Natura. https://biomimicry.net/our-work/packaging-inspired-nature/
4 - Biomimicry Guild – Natura Biomimicry Perspectives Report, Helena, Montana, USA, 2010
5 - interview avec Katia Ravard - Responsable Projets Transversaux et Biomimétisme, et Sophie Freissinet - Chef de Projet Innovation Packaging.
6 - Logoplaste & Ecover. https://www.logoplaste.com/case-studies/ecover/
7 - Sharklet https://www.sharklet.com/
8 - PliFalTech https://www.plifaltec.eu/
9 - MëtsaBoard - Better With Less design challenge https://www.metsagroup.com/metsaboard/news-and-publications/news/2018/better-with-less--design-challenge-winning-design-introduces-an-ingenious-alternative-to-bubble-wrap/
10 - https://www.modulatio.fr/notre-technologie.php
11 - https://lamycosphere.com/pages/mycomateriaux
12 - Wax Worm https://www.nytimes.com/2023/04/12/learning/natures-solution-to-plastic-pollution-the-amazing-power-of-the-wax-worm.html
13 - Novabiom. https://www.novobiom.com/mycoremediation
14 - Carbios: https://www.carbios.com/fr/
15 - L’Occitane + Carbios (+ images) https://www.carbios.com/newsroom/en/loccitane-en-provence-and-carbios-present-a-pet-bottle-made-from-enzymatic-recycling/
16 - Shellworks: https://www.shellworks.com/vivomer
https://aplanet.org/resources/biomimicry-10-creations-inspired-by-nature/